Trois raisons d’aller voir l’exposition Diane Arbus. Si vous avez la chance de passer par la région parisienne, n’hésitez pas à visiter l’impressionnante exposition Diane Arbus au Jeu de Paume.
1) Parce que sa technique photo est excellente.
Diane Arbus était l’enfant choyée d’un directeur de grand magasin new-yorkais. Sa famille aimait la mode et son père avait un flair incomparable pour dénicher les nouvelles tendances. Diane apprit les bases du studio dans les années 40 et 50 avec son mari, Allan Arbus, photographe de mode, dont elle était la styliste. Elle développait et tirait elle-même ses photos noir et blanc. Ils travaillèrent pour Vogue, Seventeen, Harper’s Bazaar, et publièrent même 200 pages de portfolios dans Glamour… tout en détestant le côté superficiel du milieu de la mode. Attirée également par le reportage, Diane était capable de s’accommoder de tous types d’environnements et de lumières, d’un living room éclairé par un sapin de Noël aux ténèbres des bas-fonds new-yorkais.
Cadrages centrés, format carré, personnages grimaçants… A l’occasion, elle n’hésitait pas à transgresser les règles de la photographie commerciale pour mieux impressionner le spectateur, comme on le voit sur cette photo datant de 1962 qui montre un enfant jouant avec une grenade en plastique à Central Park (voir l’affiche de l’exposition). Lorsqu’on regarde la planche-contact dont est issue cette photo, on s’aperçoit que l’enfant rit et s’amuse sur toutes les premières vues. L’expression crispée et inquiétante qu’il arbore sur la dernière photo vient seulement de ce qu’il commence à en avoir assez. Il semble lui intimer de se dépêcher de lui tirer le portrait. C’est cette dernière photo que la photographe a choisi de tirer sur papier.
2) Parce que ses portraits ne laissent pas indifférent.
Le choix de ses sujets n’était jamais conventionnel. Bien qu’étant très timide et mal dans sa peau, elle photographiait souvent des inconnus dans la rue. Elle réussissait même parfois à se faire inviter chez eux pour prendre quelques clichés supplémentaires. Elle aimait particulièrement photographier ceux qui avaient une vie différente, qui vivaient en marge ou qui étaient rejetés par la société. Elle s’en faisait parfois des amis et les photographiaient régulièrement sur plusieurs années.
En 1959, Allan et Diane se séparèrent. Ils restèrent bons amis, mais cette séparation la poussa à développer une photographie documentaire sans concession. Sans Allan pour veiller sur elle, Diane n’hésitait plus à explorer des quartiers de plus en plus louches, à s’immiscer dans l’envers du rêve américain. Ce qui lui valut des commandes prestigieuses, notamment une étonnante galerie de portraits de ses contemporains rassemblés sous le titre « American Rites, Manners and Customs » (« Coutumes et rites américains ») pour la fondation Guggenheim en 1963 et 1966.
Au gré des demandes de magazine (The Sunday Times, Esquire…), elle immortalisait acteurs et célébrités dans le même style que les anonymes qu’elle rencontrait. Solitaires, le regard vide, ils n’en paraissaient que plus humains, plus fragiles et plus touchants – ce que lui reprochait de temps en temps ses modèles et ses commanditaires.
Il faut dire que ses photos les desservaient parfois. Dans un des portraits qu’elle lui avait consacrés pour New York Magazine, Viva, comédienne et modèle d’Andy Warhol, apparaissait torse nu et les yeux révulsés, comme droguée. En réalité, Arbus avait débarqué chez elle au petit matin, après une soirée animée. Et l’avait prise en photo à moitié réveillée, au saut du lit, d’où ce regard vaseux. A la suite de ce cliché fort peu glamour (intitulé « Superstar at home »), Vogue annula une séance de photos de mode prévues avec la malheureuse actrice. Quant à New York magazine, il perdit une partie de ses annonceurs suite à cette publication.
3) Parce que ses expositions sont rarissimes dans le monde.
C’est d’ailleurs sa première grande exposition en France. On peut y découvrir 200 clichés pour la plupart inédits. Le travail d’Arbus était autrefois si controversé que lors d’une exposition au Moma de New York (« New Documents », en 1967), un spectateur a craché sur le « Portrait d’un jeune homme portant des bigoudis chez lui» [la photo est visible ici sur le site du Musée du Jeu de paume : http://www.jeudepaume.org/index.php?page=article&idArt=1470&lieu=1
Aujourd’hui, ses photos dérangent toujours, mais elles sont loin de susciter une telle répulsion. L’exposition du Musée du Jeu de Paume présente une rétrospective de qualité. On aurait aimé qu’elle comporte encore davantage de panneaux racontant la vie de Diane Arbus et retraçant le contexte des photos, mais grâce à la variété des clichés présentés, on comprend pourquoi Arbus inspire toujours la crème des photographes actuels. Tapez dans un moteur de recherche les noms de Jane Evelyn Atwood, de Nan Goldin ou de Vanessa Winship et vous comprendrez…
Diane Arbus au Jeu de Paume, jusqu’au 5 février 2012.
1, place de la Concorde, 75008 Paris.
M° Concorde
Tél. : 01 47 03 12 50
Le site http://www.jeudepaume.org
Horaires : mardi : 12h-21h, mercredi à vendredi : 12h-19h, samedi et dimanche : 10h-19h. Fermé les lundis et le 1er janvier. Mieux vaut réserver son billet à l’avance. Entrée : 7 à 10,20 €.