Les recettes des pros du reportage Partie 3

Réfléchir sous forme de « série »

Il est préférable qu’il y ait une harmonie entre les photos du reportage, une cohérence de traitement des images de façon à ce qu’elles forment une série. Vous pouvez opter pour un parti pris esthétique fort qui mettra en valeur un portfolio ou un diaporama de plusieurs images. Par exemple, réaliser tout un reportage en couleurs vives ou tout un reportage en noir et blanc… Cela dit, les règles étant faites pour être cassées, ce ne sont que des principes généraux et vous pouvez très bien décider de réaliser toutes les prises de vue d’ensemble en couleur et de ne laisser que les portraits en noir et blanc, ou l’inverse…

La technique en reportage

Évidemment, les grandes règles classiques comme la règle des tiers s’appliquent en reportage, mais il ne faut pas non plus rester obnubilé par la technique. Quand on regarde les grandes photos du World Press Award ou de Visa Pour l’Image, on se rend souvent compte qu’elles ne sont pas exemptes de « défauts techniques » (flou, personnages coupés, bruit numérique en haute sensibilité…). Et finalement, on s’en moque pas mal.
L’importance est plutôt de transmettre suffisamment d’infos, voire des sensations à travers la photo. Le flou, par exemple, peut donner de nombreuses sensations (dynamisme, vitesse, fougue, ou peur, malaise, etc.).
Les photographes primés du World Press Award prouvent que l’on peut réussir de bonnes photos, même techniquement « optimales », aussi bien au bout du monde (révolutions dans les pays arabes) qu’en bas de chez soi :
http://www.worldpressphoto.org/
Observer leurs galeries peut donc donner beaucoup d’idées. (Attention toutefois, comme on dit au 20 heures, à éloigner les personnes sensibles de l’écran car certaines scènes de guerre sont impressionnantes, on préfère vous prévenir…)

Comment « rentrer » dans son sujet

Il faut se départir d’une certaine timidité pour s’approcher de son sujet. Il ne faut pas hésiter à déclencher quand on capte le regard d’une personne. Cela met mal à l’aise sur le moment, mais le spectateur, lui, ne se sentira pas mal à l’aise en regardant la photo. Il se sentira impliqué. Cette technique fonctionne d’autant mieux avec les groupes de personnes à photographier.
Pensez par exemple aux photos de William Klein (mais aussi de Antoine Agoudjian, Salgado, Capa, Weegee, Diane Arbus…).

L’importance de la légende

On entend souvent qu’une bonne photo de reportage doit se suffire à elle-même, c’est-à-dire qu’on ne doit pas avoir besoin de la légende pour la comprendre. Je ne suis pas vraiment d’accord avec cette affirmation. Il me semble au contraire qu’il est vital de recueillir le maximum d’infos sur place pour pouvoir rédiger de bonnes légendes.

On connaît tous la fameuse photo de la jeune fille afghane aux yeux verts de Steve Mc Curry (couverture du National Geographic qui a symbolisé la beauté de la femme afghane dans le monde entier), on sait moins que, par manque de temps, le photographe n’avait pu la légender correctement à l’époque (le portrait avait été pris à toute allure dans un camp de réfugiés et il manquait, en particulier, le nom de la jeune fille, Sharbat Gula).
Il a fallu une enquête extraordinaire et rocambolesque à travers plusieurs pays pour la retrouver enfin, dix-sept ans plus tard. Pour remercier Madame Gula – qui ignorait l’impact qu’avait eu cette photo dans le mode entier –, l’équipe du National Geographic a exaucé son souhait, qui était de pouvoir offrir des études à ses trois filles. Une consolation qui a, on l’espère, un peu adouci le sort de cette femme et de sa famille qui avaient, jusqu’ici, toujours mené une vie difficile. Depuis, une Fondation pour l’éducation des jeunes afghanes a même été créée. Les photos (et le récit complet, en anglais) sont ici :
http://ngm.nationalgeographic.com/2002/04/afghan-girl/index-text
Le site de la fondation :
http://www.sharbatgula.org/
Claire Riou

Les recettes des pros du reportage Partie 1

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