Portrait, entre technique et regard : interview de René Bouillot
S’initier au portrait photographique, c’est déjà apprendre à regarder et à comprendre son prochain, comme le suggère René Bouillot, auteur avec Clarke Drahce de l’ouvrage Le portrait photographique (Dunod, 2011). Abondamment illustré, le livre aborde tous les aspects du portrait : la lecture du visage, la maîtrise des règles de la composition, l’importance de l’éclairage, les spécificités des différents portraits… Les amateurs débutants ou éclairés peuvent aborder le livre comme ils le souhaitent, en ne consultant que ce qui les intéresse. Ils découvriront les aspects techniques du portrait photographique, guidés par les images, comme s’ils étaient aux côtés d’un photographe professionnel, qui leur transmettrait son savoir.
Par quels éléments clés passe la réussite d’un portrait ?
Placé devant l’objectif (qui forme l’image des objets), l’être humain n’est pas un « objet » comme les autres : il a une « âme » que le photographe doit s’efforcer de suggérer dans son image.
Un portrait digne de ce nom est à n’en pas douter une étude d’introspection psychologique, de compréhension du prochain, ainsi que je tente de le suggérer dès la préface. Cette interprétation de l’être humain par l’image peut utiliser des moyens techniques différents. Cependant, un portrait n’a jamais été réussi qu’il n’ait saisi une expression significative ou fixé en une seule image émouvante, l’aspect – en quelque sorte définitif – d’une personne capable d’aimer et d’être aimée.
Le portrait photographique a-t-il évolué au fil du temps ?
Depuis la nuit des temps, l’être humain est vu à travers les yeux et l’esprit de celle ou celui qui le regarde et tente de le comprendre. Une différence est que la photographie peut utiliser différentes focales d’objectif et angles de champ, alors que la vision humaine est au contraire limitée par construction par un même angle de vision et une même focale (cela veut dire que, du même point de vue, notre vision appréhende toujours la réalité selon la même perspective). Il est facile de constater que le même personnage photographié au grand-angle à courte distance n’a pas du tout le même aspect sur l’image que s’il est pris de loin avec un téléobjectif (tout cela est illustré et développé dans le livre).
Ce qui a « évolué » avec le temps, ce sont les vêtements, la coiffure, l’attitude, etc. On s’en rend bien compte dans l’ouvrage, en observant des photos qui ont été prises il y a plus d’un siècle par de grands portraitistes de l’époque.
Quel est l’apport de Clarke Drahce à cet ouvrage ?
La participation de Clarke à l’ouvrage aura été déterminante par la grâce de ses images superbement pensées, éclairées et mises en scène : sans elles, ce livre était irréalisable. Clarke est de plus l’auteur d’un vaste et important chapitre intitulé « L’éclairage en photographie », dans lequel il décrit les matériels et les aspects pratiques de la création de portraits de grande valeur technique et artistique, selon une approche « professionnel en studio » que cherchent à pratiquer de nombreux amateurs de talent.
J’attire de plus l’attention du lecteur sur des images réalisées il y a plus d’un siècle, lesquelles sont dues à de grands photographes que furent Constant Puyo et Robert Demachy. Je suis également heureux d’avoir pu publier des portraits de gens célèbres réalisés par mon père Pierre Bouillot (dit « Pierre Delbo »), ainsi que de belles photos d’enfants et de mariage dues à deux amies photographes de grand talent : Catherine Theulin et Claudia Murray.
Est-il utile d’utiliser des logiciels de traitement de l’image ?
Chacun fait comme il veut ou comme il peut. Je considère que faire appel à un logiciel de traitement et/ou de correction d’image peut être utile, voire indispensable, pour les portraits « commerciaux » et la publicité, avec lesquels la représentation des personnages doit être flatteuse. Mon sentiment est cependant que le maquillage et l’éclairage au moment de la prise de vue sont au moins aussi efficaces que la retouche infographique a posteriori, laquelle a toutefois la vertu de prolonger à son extrême limite, la jeunesse apparente de célèbres actrices plus que sexagénaires. Je suis personnellement convaincu que les grands portraitistes sont ceux de la réalité sans fard (Youssuf Karsh, Cartier-Bresson, Doisneau, etc.) ; mais je ne prétends nullement avoir raison.
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