Le moiré
Le moiré est un phénomène complexe lié à la structure même du capteur de l’appareil numérique. Il s’agit des interférences qui se produisent entre la trame fine et régulière du capteur et certaines trames ou motifs répétitifs de mêmes tailles dans l’image formée par l’objectif.
Le moiré était très peu sensible en photo argentique car les grains d’argent composant le film étaient disposés aléatoirement et de tailles irrégulières ; de plus la couche sensible était bien plus épaisse que celle des capteurs, favorisant des plans de netteté différents de l’image à l’intérieur même de l’épaisseur de la couche sensible, ce qui atténuait le risque d’interférence (elle faisait en quelque sorte office de passe-bas !).
En photo numérique on distingue deux types de moiré : de couleur et de luminance. Si les deux ont une cause commune, la taille des plus fins détails de l’image, ils ne provoquent pas la même gêne. En effet si le moiré de couleur peut être en grande partie corrigé par un post-traitement, il n’en est pas de même pour le moiré de luminance.
Lors de la construction de l’appareil le remède aux deux types de moiré est le même : le filtre passe-bas placé devant le capteur. Mais cela se fait bien sûr au prix d’un peu de perte de résolution.
Moiré chromatique
Les photosites étant surmontés d’une mosaïque de filtres colorés RVB, si un point blanc lumineux très fin, de la taille d’un photosite, est focalisé sur le capteur par l’objectif, il peut tomber aléatoirement sur un filtre R, V ou B. Bien que le point lumineux soit blanc il sera considéré par le capteur et son électronique de traitement comme un point R, V ou B selon le cas et apparaîtra comme tel dans l’image. De même, si dans l’image produite par l’objectif un sujet comme un grillage fin, un toit de tuiles vu de très loin, un tissu aux motifs très fins, bref une surface aux motifs répétitifs et chacun proche de la taille d’un pixel, est projetée sur
la mosaïque du capteur, on pourra voir apparaître des zones entières de fausses couleurs, un moirage non présent dans la réalité.
Pour limiter ce problème, dans la plupart des appareils reflex les constructeurs ont placé devant le capteur un filtre appelé passe-bas dont la puissance est calculée très précisément de manière à diminuer la résolution de l’image fournie par l’objectif de la valeur juste nécessaire pour éviter ce phénomène, en répartissant les plus fins détails sur un plus grand nombre de photosites. Cela permet d’éviter ces erreurs dans la reconstruction de la couleur.
Remarque
Dans l’illustration suivante pour des raisons de simplicité on a représenté le filtre passe-bas comme un filtre de diffusion. Dans la réalité il s’agit d’un cristal biréfringent qui a la propriété de dédoubler les rayons lumineux les plus fins de manière à ce qu’ils recouvrent au moins deux photosites latéralement. En accouplant deux lames semblables mais orientées différemment on recouvre ainsi un carré de 4 photosites, ce qui permet d’atténuer considérablement le risque de moiré.
▲ La présence d’un filtre passe-bas limite le problème du moiré chromatique.
Moiré de luminance
Ici, c’est un phénomène plus directement lié à la numérisation du signal. Le très célèbre Harry Nyquist a déterminé que la fréquence d’échantillonnage d’un signal devait être au moins égale à deux fois la fréquence du signal à analyser pour pouvoir le reproduire fidèlement. Ceci s’applique aussi bien à un signal audio (échantillonnage temporel) par exemple, qu’à une image (échantillonnage spatial).
En photographie le signal c’est l’image fournie par l’objectif, et sa fréquence c’est la taille des plus fins détails qu’il peut reproduire. L’échantillonnage de ce signal est réalisé par la trame du capteur, chaque photosite prélevant un échantillon dans l’image ; la taille des photosites détermine sa résolution optique. Donc pour satisfaire à la condition de Nyquist le capteur doit avoir des photosites deux fois plus petits que le plus fin détail que peut reproduire l’objectif.
Si l’on ne respecte pas ce principe, dans certains cas où un élément de l’image focalisée par l’objectif est constitué de motifs proches en taille ou plus fins que ceux du capteur, celui-ci peut reproduire un signal différent de celui d’origine !
Extrait de Obtenez le maximum des Nikon D800 et D800E
Bernard Rome
Collection: Obtenez le maximum, Dunod
2013 – 280 pages – 170×210 mm
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