Nikolas Ernult : la photo de concert ou l’art de maitriser la sensibilité
Nikolas Ernult est un photographe passionné. Il aime capturer un instant, véhiculer une émotion ou un message à travers une image. Jour après jour, il éprouve toujours le même plaisir à mettre en boîte les fragments de vie qu’il croise au fil de ses reportages. Interview !
Génération Image : Quelle est ta méthode de travail ? Ton mode d’exposition préféré ?
Nikolas Ernult : Ma méthode de travail dépend de la typologie de ce que je dois faire ou rapporter. Quand c’est possible, j’aime faire quelques repérages avant une prise de vue (si celle-ci est commandée), sinon c’est l’aventure photographique, je m’adapte aux lieux. Je travaille pratiquement toujours en mode manuel, quel que soit le type de cliché, car je préfère avoir le contrôle de mon boîtier. En décidant de tout, je retrouve les sensations d’un boîtier argentique, je suis maître de mon outil. Pour ce qui concerne l’exposition, je n’ai pas réellement de mode favori car je jongle avec les trois modes en fonction de ce que j’envisage de prendre et des conditions de prise de vue. Mon boîtier étant toujours réglé par défaut en mode d’exposition matricielle, qui s’est grandement amélioré au fil des années, je dirais que ce mode m’est souvent utile.
Utilises-tu la mesure spot ? Un autre mode de mesure ? Pourquoi ?
Je sélectionne la mesure spot essentiellement quand les conditions de lumière sont délicates. Cela me permet de faire ressortir un élément ou de jouer avec pour capturer l’émotion de la scène photographiée. J’exploite ce mode surtout pour les concerts, les spectacles et la macrographie. Sinon, je travaille aussi avec la mesure matricielle lorsque je me retrouve sur des événements en extérieur, ou lorsque les clichés doivent être faits très rapidement. Je choisis la mesure pondérée centrale essentiellement quand je suis dans un moment de créativité ou lors d’une prise de vue spécifique, pour faire ressortir l’image disons « autrement ».
▲ Le chanteur Mat Bastard (f/3,2 – 1 600 ISO – 1/320 s).
Quelles difficultés as-tu rencontrées pour ces prises de vue, et quelles solutions as-tu trouvées pour les réaliser ?
Pour ces deux photos du groupe Skip The Use en concert, j’ai dû faire face aux conditions habituelles de clichés d’artistes lors d’un festival, c’est-à- dire la présence d’autres photographes et les risques de bousculade qui en découlent, la nécessité de jouer avec les lumières (l’arrivée des LED est parfois un petit combat) et le temps limité. Bien souvent, vous ne disposez que d’une chanson voire de trois grand maximum pour capturer l’artiste. Avec Skip The Use, la difficulté de la scène est que Mat Bastard (présent sur les deux clichés, chanteur du groupe) est un véritable diable de Tasmanie et qu’il faut s’adapter aux strobos et aux fumigènes. Je voulais me démarquer, ne pas produire le même cliché que ceux de mes confrères. Je me suis laissé envahir par la musique et j’ai attendu ce petit déclic dans mon oeil pour déclencher et capturer une expression, un mouvement. Pour ces deux photos, je m’étais placé derrière les autres photographes, les laissant tous en ras de scène. J’étais en mode spot pour faire ressortir Mat mais aussi pour jouer avec les lumières qui l’enveloppaient. J’ai attendu le moment où l’énergie du chanteur produirait quelque chose et j’ai pris le cliché. J’aurais pu rencontrer une difficulté comme avoir un objectif ou un flash dans le champ au moment de déclencher, ou subir un brusque changement de lumière (ce qui arrive hélas).
▲ Le chanteur Mat Bastard (f/2,8 – 1 600 ISO – 1/400 s).
Quel conseil donnerais-tu à un débutant pour bien exposer ses photos ?
Il ne faut jamais cesser d’apprendre, d’analyser ses erreurs, d’essayer de comprendre pourquoi avec la mesure spot je n’obtiens pas la même chose qu’avec la matricielle, d’analyser la lumière qu’elle soit naturelle ou artificielle, de jouer avec elle, d’étudier après un premier déclenchement l’histogramme au dos de son boîtier. Je dirais également qu’il faut lire les clichés d’autres photographes, comprendre leurs choix d’exposition. Vous pouvez exploiter au début la mesure matricielle qui a fait des grands progrès et qui permettra dans 95 % des cas d’avoir une photo bien exposée, mais ne laissez jamais cette mesure tout faire. Vous devez rester libre de sur ou sous-exposer, de conserver en quelque sorte la main sur votre boîtier.
En savoir (+)
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