Portrait d’Elliott Erwitt, photographe de rue
Elliott Erwitt est tout simplement l’un des meilleurs photographes depuis l’invention de la photo. Il a influencé un grand nombre de confrères. Ses photos pleines d’esprit, en noir et blanc – ses « expositions personnelles » comme les désigne un de ses livres (Personal Exposures) – constituent un héritage que peu d’entre nous parviennent à égaler. À l’instar de Cartier-Bresson, ses mots sont très concis dans leur manière d’appréhender la photographie. Ils coupent court à toute emphase photographique.
Une palette de talents
À bien des égards, Eliott Erwitt est un photographe de rue parce qu’une grande partie de son travail personnel vient de la rue. En réalité, Erwitt est un photographe commercial prospère, célèbre pour son travail personnel. En tant que photographe, l’un des plus renommés de l’agence Magnum, Erwitt est connu pour son humour tranchant. Tout son être semble se moquer gentiment des absurdités du quotidien ; son point de vue est bienveillant, et son oeuvre vaste recèle des images sérieuses et poignantes. Il manie les calembours visuels mieux que quiconque, et tout le monde connait ses interactions entre chiens et maîtres. Mais ses travaux ne se résument pas qu’à cela.
▲ Elliott Erwitt – The Family of Man (1953)
Prenons l’exposition intitulée « The Family of Man » qui constitue un moment charnière de l’histoire de la photographie au xxe siècle ; elle incluait la photo prise en 1953 par Erwitt de son épouse posant un regard tendre sur son bébé allongé sur un lit dans la pénombre, une perfection en son genre. L’adjectif « emblématique » pourrait réellement s’appliquer à cette image et à bien d’autres : Elliott Erwitt a pris des photos remarquables, des photos emblématiques et des photos historiques.
Histoire et dérision
Peut-être le terme « emblématique » englobe-t-il tous les aspects de son travail. Il a photographié Marilyn Monroe, Jackie Kennedy, Khrouchtchev et Che Guevara. Pendant les premières décennies de sa carrière, il a capturé quasiment toutes les personnalités du moment ; toutefois, ce sont ses photos de gens ordinaires, d’animaux et de sujets humoristiques qui retiennent vraiment l’attention. Et il n’oublie pas de se moquer de lui-même, prenant des autoportraits dans des tenues étranges, le plus souvent sur des shootings commerciaux.
▲ Voici un calembour visuel savoureux, en partie parce que la femme ignore totalement pourquoi on la photographie. C’est le genre de hasard qui accompagne un photographe de la trempe d’Erwitt.
Sélectionner une seule photo dans son oeuvre n’est pas une tâche facile. Mais je n’ai pu résister à l’une de ses images les plus célèbres, prise au Nicaragua en 1957, où le visage de cette femme en dit long. Cette image humoristique résume peut-être la photographie de rue : le photographe se délecte du hasard et, dans ce cas précis, lorsque le sujet fixe l’appareil, il est déconcerté par sa curiosité. Mais à coup sûr, si elle savait, cette femme rirait de bon cœur.
Extrait de
Street Photography
Le savoir-faire du photographe de rue
David Gibson
Collection: Hors collection, Dunod
2014 – 192 pages – 177×229 mm
EAN13 : 9782100711352
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